EIRL : le nouvel Entrepreneur Individuel est arrivé (2/3)

Que contient le patrimoine professionnel affecté ?

Il est composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle (Art. L. 526-6. Code com.).

La liste de ces biens et droits devant être déposée au greffe du Tribunal de Commerce sur des registres dédiés ou au Registre des Métiers (selon l’activité de l’entrepreneur) et mise à jour chaque année, lesdits biens et droits seront principalement des éléments de l’actif immobilisé de l’entreprise (biens immobiliers, fonds de commerce, matériels d’exploitation,…).

L’affectation d’un bien immobilier fera l’objet d’un acte notarié publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier de la situation du bien. Le coût de cet acte notarié sera fixé (de manière forfaitaire et non pas en proportion de la valeur du bien immobilier) dans le cadre d’un plafond déterminé par décret.

Cette déclaration d’affectation sera opposable à l’ensemble des créanciers, y compris à ceux dont les droits sont nés antérieurement à son enregistrement dès lors que lesdits créanciers ont été informés de l’existence de la constitution du patrimoine affecté.
Ces créanciers pourront former opposition dans un délai prévu par voie réglementaire et une décision de justice décidera si la déclaration d’affectation leur est opposable ou non.
Il s’agit-là d’une disposition qui risque de générer beaucoup de contentieux.

Comment est évalué ce patrimoine professionnel affecté ?

Rappelons que ce patrimoine professionnel est la seule et unique garantie des créanciers professionnels  ; son évaluation est donc de toute première importance.

L’évaluation du patrimoine professionnel est de la responsabilité de l’entrepreneur lui-même, sachant que

  • tout élément d’actif, d’une valeur déclarée supérieure à 30 000 € fera l’objet d’une évaluation au vu d’un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable ou une association de gestion agréée.
  • l’entrepreneur restera responsable, pendant cinq ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l’affectation et la valeur déclarée

Notons également que, lorsque les biens affectés sont des biens communs ou indivis, l’entrepreneur individuel devra justifier de l’accord exprès de son conjoint ou de ses co-indivisaires ; un même bien commun ou indivis ne pouvant entrer simultanément dans plusieurs patrimoines affectés (cas des conjoints ou co-indivisaires souhaitant tous les deux opter pour le statut d’EIRL).

Quels sont les entrepreneurs concernés par cette déclaration d’affectation ?

Sont concernés, tous les entrepreneurs qui souhaitent (rassurez-vous, cela n’a rien d’obligatoire) adopter ce nouveau statut juridique… faut-il encore qu’ils disposent d’un patrimoine professionnel représentatif d’une valeur suffisante pour rassurer leurs créanciers professionnels (à commencer par leur banquier).

Rien n’empêche l’entrepreneur qui ne détient à l’actif de son bilan qu’une camionnette poussive acquise avant l’an 2000 et un PC portable hors d’âge d’opter pour le statut de l’EIRL ; il protégera ainsi ses biens privés mais il rencontrera probablement des difficultés pour obtenir un concours bancaire.

On peut d’ailleurs se demander si tous les entrepreneurs individuels disposent d’éléments de patrimoine professionnel susceptibles d’être mentionnés sur une déclaration d’affectation.

  • Parmi les professionnels libéraux des secteurs non réglementés (c’est-à-dire, en schématisant, les professions non médicales et non juridiques), beaucoup d’entrepreneurs n’ont pas d’actifs immobilisés. Leurs actifs se résumant souvent à un ordinateur (parfois amorti depuis longtemps)… et beaucoup de matière grise.
  • Les auto-entrepreneurs, dès lors qu’ils ont été bien conseillés dans le choix de leur régime fiscal, ne peuvent avoir d’actifs immobilisés puisqu’ils ne pourraient pas comptabiliser en charges déductibles les amortissements de ces biens.
  • Les entrepreneurs qui ont recours au crédit-bail (ou à la location longue durée) pour financer leurs biens d’équipement ne peuvent mentionner ces biens qui ne leur appartiennent pas sur une déclaration d’affectation

Notons au passage que le statut de l’EIRL est ouvert au mineur autorisé par ses parents.
Le nouvel article 418-3 du Code civil permet également à un mineur émancipé de devenir commerçant avec une autorisation du Juge des Tutelles ou du Président du Tribunal de Grande Instance.

Alors, qui sont les entrepreneurs individuels intéressés par ce nouveau statut ? L’avenir le dira.

Pour ceux qui veulent connaître la fin… ou qui ont raté le début