EIRL : le nouvel Entrepreneur Individuel est arrivé (3/3)

De quelles garanties bénéficiera la banque qui consentira un concours à un EIRL ?

La banque, en sa qualité de créancier professionnel, pourra appréhender le patrimoine professionnel affecté de l’EIRL… sauf que, si ledit patrimoine est de très faible valeur, la banque sera réticente à accorder des concours.

Si il s’était agi d’un client personne morale (SARL, EURL, SA,…), la banque aurait pu demander au dirigeant de cautionner les engagements de son entreprise mais, rappelons que l’EIRL reste une personne physique… et qu’une personne physique ne peut pas se cautionner elle-même.

Hervé Novelli prévoit en conséquence la garantie d’organismes de caution (de type OSEO ou SIAGI) qui interviendraient à hauteur de 70% du montant des concours consentis pour un coût annuel estimé à 1,2% l’an des sommes garanties ; la banque s’engageant à ne constituer des garanties que sur le patrimoine professionnel affecté et pas sur le patrimoine privé de l’entrepreneur.

Cette loi contient une réforme d’OSEO qui devait initialement être réalisée dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière… et qui fait l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel.

Au-delà du coût des concours ainsi augmenté, on peut s’interroger sur la nécessaire réactivité de ces organismes de cautionnement dès lors qu’il s’agira de consentir un découvert de quelques milliers d’euros durant quelques jours afin de faire l’échéance du 10.
Pourront-ils répondre efficacement et à bref délai aux besoins en fonds de roulement des entrepreneurs (hors programme d’innovation ou de modernisation) ?

A l’origine du projet, le patrimoine d’affectation était dissout lors de la cessation d’activité de l’EIRL ou au décès de l’entrepreneur. Le texte définitif prévoit que ce patrimoine pourra faire l’objet d’une cession entre vifs… ce qui sous-entend qu’il faudra dans certains cas en financer l’acquisition.

Signalons également que les parlementaires ont prévu qu’un entrepreneur individuel puisse constituer plusieurs patrimoines d’affectation dans le cas où il exercerait plusieurs activités (l’exemple cité au cours des débats est celui du coiffeur qui serait également administrateur de sites web). Cette disposition n’entrera en vigueur qu’à compter du 01/01/2013.

Il s’agit là de certains aspects de cette législation nouvelle sur lesquels les banquiers auront bien des questions à se poser avant de consentir un concours.

Quelles autres obligations pour l’EIRL ?

Publication des comptes

L’entrepreneur ayant opté pour le statut juridique de l’EIRL devra publier ses comptes chaque année et les déposer au greffe du Tribunal de Commerce sur des registres dédiés ou au Registre des Métiers (selon l’activité de l’entrepreneur) ; il devra également, avec la même périodicité, actualiser la valeur de son patrimoine professionnel affecté.

Je fais confiance au législateur pour imaginer une procédure permettant la publication annuelle des comptes des entrepreneurs… qui ne sont pas obligés de tenir une comptabilité (ceux qui sont soumis aux régimes fiscaux de l’auto-entreprise ou de la micro-entreprise).

Rappelons qu’en l’état actuel de la législation, l’entrepreneur individuel n’est pas obligé de publier ses comptes et que cette situation n’a pas été modifiée dès lors que le statut d’EIRL n’aura pas été choisi.

Ouverture d’un compte bancaire professionnel

L’entrepreneur ayant opté pour le statut juridique de l’EIRL devra impérativement ouvrir un compte bancaire professionnel.
Rappelons, qu’en l’état actuel de la législation, seul le commerçant est soumis à cette obligation (art. L123-24 du Code de commerce) même si, en pratique, l’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle facilite le suivi des dépenses et des recettes ainsi que les rapprochements avec la comptabilité.

Cette obligation a un coût que, seuls les entrepreneurs soumis à un régime fiscal réel, pourront considérer comme une charge déductible.

Quand on sait que, selon l’URSSAF, un auto-entrepreneur réalise en moyenne 3.700 euros de chiffre d’affaires par trimestre, il faudra que les frais de gestion du compte bancaire professionnel ne soient pas trop élevés… à moins qu’un décret de dernière minute ne vienne les plafonner (je plaisantais, bien sûr).

Utilisation d’une dénomination sociale

L’EIRL devra utiliser une dénomination à laquelle est incorporé son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : “entrepreneur individuel à responsabilité limitée” ou des initiales “EIRL”. Ces mentions devront figurer sur tous les documents émanant de l’EIRL (devis, factures, courriers,…).

Cette disposition permettra aux tiers de savoir si l’entrepreneur individuel a choisi ce nouveau statut… et de se renseigner en conséquence sur la valeur de son patrimoine professionnel.

Reste à faire

La mise en œuvre de cette nouvelle forme juridique est prévue à compter du 01/01/2011 mais il reste d’importantes adaptations à rédiger afin d’intégrer l’EIRL dans le droit des sûretés, le droit des procédures civiles, le droit des voies d’exécution, le droit des procédures collectives, le droit des régimes matrimoniaux, le droit du PACS, le droit des successions, le droit du surendettement des particuliers,…
Ces adaptations seront élaborées par voie d’ordonnance.

L’entrée en application de ce nouveau statut ne pourra intervenir avant la publication de ladite ordonnance.

Les objectifs chiffrés

L’étude d’impact prévoit 100.000 EIRL au 31/12/2012

  • 60.000 créations nouvelles ;
  • 35.000 transformations d’entreprises individuelles existantes en EIRL ;
  • 5.000 créations par transformations issues d’EURL (opération fortement déconseillée car coûteuse du fait qu’elle nécessite la liquidation de l’EURL)
  • … et 45.000 EIRL susceptibles d’opter pour l’impôt sur les sociétés avant fin 2012

Pour suivre la réalisation des objectifs… rendez-vous dans un peu plus de 18 mois !

Pour ceux qui veulent en savoir plus, il existe

Publication initiale le 27/05/2010 – Dernière modification le 29/01/2013

Pour ceux qui ont raté le début.

Voir également EIRL : un échec prévisible ?