Locataires/bailleurs : le projet de loi tombé aux oubliettes

Un rapport récent relatif à la « modernisation des rapports entre les bailleurs et les locataires » rappelle à notre mémoire un projet de loi portant sur cette question (que nous avions évoqué ici) qui, bien qu’adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2011, n’entrera jamais en application du fait du renouvellement de la chambre des députés intervenue en juin 2012.

Ce projet « renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs » était porté par Frédéric Lefebvre alors Secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Il nous faudra donc attendre que, Benoît Hamon, nouveau ministre en charge de ces questions, dépose à son tour un projet de loi… ce qui n’est pas encore fait.

 Publication initiale le 16/03/2013 – Dernière modification : 16/08/2013

Le rapport récemment publié par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) n’échappe à la règle ; ses rédacteurs ont consulté des représentants des associations de bailleurs et de locataires afin d’émettre 55 propositions.

Nous ne serons pas surpris de constater que certaines de ces propositions étaient déjà incluses dans le texte adopté par les deux chambres en 2011 et notamment,
– L’amélioration de l’information du locataire lors de l’entrée dans les lieux (bail, état des lieux,…) ;
– La mise en place d’une grille de vétusté ;
– Le préavis réduit à un mois pour le locataire quittant un logement en « zone tendue » ;
– L’interdiction faite au bailleur de demander certains documents à la caution (une liste unique de documents à ne pas exiger ni du locataire ni de la caution) ;
– L’accélération de la restitution du dépôt de garantie au locataire ;
– Le droit pour le locataire de se faire communiquer à ses frais les documents pouvant expliquer la régularisation des charges locatives.

Même si tout le monde peut comprendre que, pour des raisons procédurales (renouvellement de l’Assemblée nationale), le projet de loi adopté en 2011 doive être abandonné, nous n’en restons pas moins déçus de constater que six mois de travaux parlementaires n’ont abouti à rien, laissant les locataires / bailleurs / consommateurs que nous sommes dans l’attente d’une législation nouvelle.

Il est toujours désespérant de constater que les uns rejettent souvent en bloc les travaux réalisés par les autres alors qu’il existe souvent peu de différence entre ce que feront les uns… et ce qui a été fait par les autres ; d’autant que les dispositions législatives relatives aux relations locataires / bailleurs ne peuvent résulter que d’un consensus entre les représentants des parties concernées.

Le rapport du CGEDD contient par ailleurs d’autres propositions sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire,

– Ou bien parce qu’elles sont rédigées d’une manière fort maladroite, comme celle-ci :
42. Subordonner le concours de la force politique (sic) pour l’expulsion à la proposition d’une offre de relogement adaptée avec indemnisation du propriétaire si ce concours de la force publique n’est pas accordé  ;

– Ou bien parce qu’elles manquent de précision, comme celle-là :
48. Permettre le versement de l’APL en cas d’impayés de loyers sous certaines conditions  ;

– Ou bien parce que leur mise en œuvre n’est pas chiffrée : 
50. Supprimer la possibilité de récupérer les indus d’autres prestations sur les aides au logement  ;

– Ou bien encore parce qu’on a l’impression que le juriste de service s’était absenté le jour où elles ont été rédigées ; voir par exemple la proposition numéro 53 :
53. Définir les notions de débiteur de mauvaise foi et de débiteur indélicat, de nature à mieux nuancer les solutions à mettre en œuvre face a un locataire menacé d’expulsion  ;

En droit français, la bonne foi est présumée (article 2274 du code civil) et c’est à celui qui prétend que la mauvaise foi est caractérisée de le démontrer.

Si la législation devait définir le locataire de mauvaise foi, il faudrait aussi définir l’emprunteur de mauvaise foi, le surendetté de mauvaise foi, le bon père de famille de l’article 1728 du code civil, les dépenses manifestement excessives et les sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante de l’article 220 du code civilet plus généralement toutes les notions dont l’appréciation relève aujourd’hui du pouvoir souverain du juge dans le cadre de l’analyse qu’il fait de chaque situation.

On notera également la proposition numéro 54 pour laquelle, semble-t-il, la CNIL n’a pas été consultée :
54. Mettre en place un fichier des impayés de loyers consultable dans des conditions très encadrées.

Si le rapport du CGEDD doit servir de base à l’élaboration d’un projet de loi sur les relations locataires / bailleurs, je plains sincèrement les collaborateurs de Benoît Hamon et j’avoue que je n’aimerais pas être à leur place (mais ce n’est que mon avis…).

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16/08/2013 – Locataires / bailleurs : le changement c’est pour bientôt

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