Mon corps m’appartient… peut-être plus pour longtemps

Je n’ai jamais caché ma profonde admiration pour les parlementaires qui rivalisent d’imagination afin de trouver des solutions à nos problèmes quotidiens.
Mais que dire quand, au moyen d’une unique proposition de loi, ces derniers entendent résoudre à la fois la question des pensions alimentaires impayées… et celle du suivi des femmes en matière de santé sexuelle ?
En ce qui me concerne, je reste sans voix.

Publication initiale le 01/04/2013

Problème n°1

La France est l’un des pays dans lesquels le taux de familles monoparentales est le plus élevé (près de 20% des familles). Dans 85% des cas, le parent qui élève seul des enfants est une femme.

On sait aussi que près de 40% des pensions alimentaires dues par « l’autre parent » ne sont pas payées régulièrement voire pas réglées du tout.

Les dispositifs mis en œuvre pour le recouvrement de ces pensions alimentaires sont mal connus et donc pas systématiquement actionnés. Il existe pourtant différentes procédures telles :
Le paiement direct
La saisie sur salaire 
Le recouvrement par le Trésor public 
L’aide apportée par la CAF 
Le recouvrement des pensions contre un débiteur vivant à l’étranger

Il est donc proposé la création d’une agence nationale chargée du recouvrement des créances alimentaires qui agirait en lieu et place de la CAF.

 

Problème n°2

L’accès des femmes (et notamment des jeunes femmes), aux soins et à la prévention en matière de santé sexuelle n’est pas assurée de manière satisfaisante dans notre pays.

Il faut en conséquence faciliter l’accès des femmes aux centres de planification ou d’éducation familiale (CPEF) et aux établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF).

Il faut également rendre obligatoire une consultation gynécologique pour toutes les jeunes filles mineures de plus de seize ans.

On conçoit aisément qu’une visite médicale soit obligatoire dès lors qu’il s’agit d’entrer au service d’un employeur, de reprendre son travail après un arrêt-maladie, de pratiquer certains sports, de bénéficier de la couverture d’un contrat d’assurance, de percevoir des indemnités,…

Imposer une consultation gynécologique à toutes les jeunes femmes âgées de 16 à 18 ans relève d’une disposition liberticide bien difficile à admettre.
Chacune d’entre nous n’est-elle pas libre de disposer de son corps comme elle l’entend et de consulter seulement quand elle en ressent le besoin ?
Quelles seront les sanctions prises à l’encontre de celles qui refuseraient de se soumettre (pour des raisons qui ne regardent qu’elles) à cette visite médicale obligatoire ?

 

On ne m’enlèvera pas de l’idée que traiter de ces deux questions (femmes seules chargées de famille / santé sexuelle des femmes) simultanément n’est pas aussi innocent qu’il n’y paraît… d’autant qu’on a pris soin de laisser les hommes hors de ces dispositifs (les enfants et la contraception n’étant pas de leur ressort, comme chacun sait).

Comment financer ces dépenses nouvelles ?
En créant une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du CGI (vous l’aviez deviné). Il s’agit là d’un mode de financement non discriminatoire (comme notre législateur à coutume de les imaginer) qui vise tous les fumeurs sans distinction de sexe, d’âge, de nationalité, d’orientation sexuelle ou de religion.

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Parvenus à la fin de ce billet publié le 1er avril, vous pensez qu’il s’agit là d’un (mauvais) poisson d’avril… et vous vous trompez ! Il faut bien admettre que la réalité dépasse parfois la fiction. Même en tournant ma souris sept fois autour de son tapis, je crois que je n’aurais pas été capable de concevoir une telle proposition.

Ces dispositifs sont intégrés dans une proposition de loi « deux en un » déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale il y a quelques jours par Jean-Louis BORLOO et certains de ses collègues et qui a été renvoyée à la Commission des affaires sociales de ladite assemblée.

 

Voir ausi Les aides publiques apportées aux familles monoparentales – Cour des comptes 2010

3 réflexions sur « Mon corps m’appartient… peut-être plus pour longtemps »

  1. Bonjour,

    J’ai moi aussi découvert aujourd’hui cette incroyable proposition de loi.

    Depuis longtemps déjà, les lois et la jurisprudence ont bien assis la nécessité du consentement des patients aux examens et interventions pratiqués sur eux.
    Un examen gynécologique est particulièrement intime voire traumatisant même pour des femmes adultes en activité sexuelle.
    L’une des raisons pour lesquelles les jeunes filles n’usent pas de contraception est précisément la crainte de l’examen gynécologique qui est parfaitement inutile, et il est maintenant admis que la contraception puisse être délivrée sans cet examen.

    Je suis stupéfaite de ne trouver de réaction à cet incroyable projet liberticide que sur votre blog. Il s’agit pourtant d’un droit fondamental de la personne que ces hommes cherchent à bafouer.

    bien à vous

    1. Cette proposition de loi a été renvoyée à la Commission des affaires sociales… ce qui est souvent synonyme d’un enterrement de première classe. Espérons-le !

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