Acheter seul(e) ou avec elle/lui ?

Acheter seule(e) ou avec son conjoint un bien immobilier est une question qui revient souvent sur les forums.
Il est évident qu’avec deux revenus, il sera possible d’acquérir un appartement plus spacieux ou de disposer d’un jardin plus grand que si on achetait seul(e) ; est-ce une raison suffisante pour ne pas s’interroger sur les modalités et les conséquences de cette acquisition ?

NB1 – le présent billet est volontairement (façon de parler) schématique car il est difficile, en 10.000 caractères (taille maxi du billet) de synthétiser le code civil, le CGI , le code de la consommation,…

NB2 – on emploiera le terme conjoints pour désigner indifféremment les mariés, les pacsés et les autres… à défaut d’indications contraires.

Rappelons tout d’abord, qu’en matière d’acquisition de la résidence principale, si un prêt à taux zéro (en l’état actuel de la législation… mais cela pourrait changer en 2011) est sollicité, les revenus de toutes les personnes destinées à habiter le logement seront pris en compte quand bien même une personne souhaiterait acheter et emprunter seule.

Rappelons aussi que, dans la vraie vie, quand un banquier doit étudier le dossier de financement d’une personne vivant en couple, il est très tenté de demander que les deux personnes soient co-emprunteurs car cette situation réduit (un peu) son risque. C’est du moins l’argument souvent avancé…

Dans le cas où les conjoints décideraient donc d’emprunter à deux, il leur est vivement conseillé d’acheter à deux aussi car on imagine mal une personne engagée au titre d’un emprunt destiné à financer un bien… qui ne lui appartiendra jamais.

Acquérir le bien

Sous le régime de la communauté légale, l’immeuble acquis seul(e) ou à deux pendant le mariage est un bien commun, censé appartenir à chacun pour moitié même si il est financé par les gains de l’activité professionnelle de l’un ou l’autre des époux et les revenus de ses biens propres (exemple : les loyers d’un appartement reçu par succession).

Si les conjoints sont mariés sous le régime de la séparation de biens, pacsés ou mènent une vie commune sans contrat, chacun d’eux dispose d’un patrimoine propre ; si ils acquièrent ensemble un bien immobilier, ce sera dans le cadre d’une indivision dont ils choisiront la répartition (50/50, 40/60, 20/80,…).
Le bien indivis appartient donc aux deux conjoints en proportion des parts acquises, c’est-à-dire au prorata de leurs apports respectifs (apports indiqués dans l’acte notarié).

Financer le bien

Dès lors que les deux conjoints seront co-emprunteurs, ils le seront solidairement (chacun sera tenu, en cas de défaillance de l’autre, au paiement de la totalité des sommes dues au prêteur).
Cette solidarité est prévue dans les clauses du contrat de prêt même si, dans le cadre d’une indivision, les conjoints ont organisé entre eux leur participation au remboursement de l’emprunt au prorata de leur part dans l’indivision ou de leurs ressources (ces accords passés entre conjoints sont inopposables au banquier prêteur).
La clause de solidarité insérée dans les contrats de prêts ne résulte d’aucune obligation légale ; il s’agit d’une pratique bancaire… impossible à contourner.

Assurer le ou les emprunteur(s)

L’emprunt immobilier est très souvent assorti d’une assurance décès-invalidité (au minimum) à hauteur de 100% du montant du financement (au minimum aussi).
La personne qui achète seule est donc assurée à 100%. En schématisant, si elle décède, la compagnie d’assurance versera à la banque le montant du capital restant dû au jour du décès… et les héritiers n’auront rien à payer.

Quand il y a plusieurs emprunteurs, il leur appartient de décider des proportions dans lesquelles ils vont s’assurer (50/50, 40/60, 20/80,…).
Dans le cas de personnes mariées sous le régime de la séparation de biens, pacsées ou ayant une vie commune sans contrat, la répartition de la couverture assurance n’est pas nécessairement la même que la répartition des droits que chacun détient dans l’indivision.
Exemple : dans une indivision à 50/50, il est tout à fait possible d’assurer un conjoint à 40 et l’autre à 60.
Rien n’oblige non plus les époux mariés sous le régime de la communauté légale à s’assurer à hauteur de 50% sur chaque tête.

Disposer du bien (le vendre, le louer,…)

Lorsque les conjoints sont mariés (quel que soit leur régime matrimonial), si le bien immobilier dans lequel se situe le logement de la famille appartient à un époux ou aux deux, aucun des deux ne peut en disposer librement (le vendre, le mettre en location, consentir une hypothèque,…) sans l’accord de l’autre (article 215 du code civil).
Cette disposition ne concerne ni les pacsés ni les personnes qui vivent maritalement sans contrat.
Dans le cas d’une indivision entre deux personnes non mariées, si celles-ci ne parviennent pas à un accord, seul le tribunal pourra autoriser la vente.

En cas de divorce ou séparation

Le propriétaire unique du bien immobilier le restera après divorce ou séparation.
Dans les situations d’indivision, l’un des indivisaires pourra vendre la sa part à une autre personne ou la faire racheter par son conjoint.

En cas d’emprunt bancaire solidaire entre les conjoints, la désolidarisation (ainsi que la prise en charge du solde du prêt par une autre personne) n’est pas de droit. Il convient impérativement de se rapprocher de l’établissement qui a consenti le prêt pour étudier une solution ; le banquier n’est pas obligé d’accepter la désolidarisation de celui qui part ni d’agréer comme nouvel emprunteur la personne qui souhaite reprendre les engagements.

En cas de décès

Dans tous les cas, il est prudent de prendre des dispositions testamentaires.
Dans le cadre d’un PACS, en l’absence de testament, le survivant n’a aucun droit dans la succession.
Pour les mariés et les pacsés, il y a exonération de droits de succession pour les décès survenus depuis le 22 août 2007.
Depuis le 1er janvier 2007, lorsque le partenaire pacsé qui était propriétaire du logement constituant leur résidence principale décède, le partenaire survivant a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier compris dans la succession

Dans le cas d’une vie commune sans contrat, pour hériter l’un de l’autre, les conjoints doivent rédiger des testaments croisés et prévoir un capital pour régler les droits de succession qui s’élèvent à 60% de la part du défunt (après abattement de 1.570 €, depuis le 1er janvier 2010).

Dans tous les cas, les héritiers réservataires (enfants nés de cette union ou d’une précédente) ne pourront être lésés de leur part de succession.

Chacun son compte bancaire ou un compte joint ?

Chacun des conjoints mariés peut ouvrir un compte en son nom personnel sans le consentement de l’autre… et a fortiori si les conjoints ne sont pas mariés.

Aucune disposition législative n’impose l’ouverture d’un compte joint lors du mariage, de la signature du PACS… ou de la souscription d’un emprunt bancaire.

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Quand on aime, on ne compte pas et on ne souhaite pas toujours aborder les questions qui fâchent ; il existe néanmoins des situations à risques  :

— La participation au financement d’une construction sur un terrain appartenant en propre à son conjoint. La propriété du sol emporte celle de la construction (article 552 du code civil). Celui qui n’est pas propriétaire du terrain… ne sera jamais propriétaire de la construction même si il participe à son financement.
— L’acquisition en indivision par des conjoints non mariés sans rédaction de testament.
— L’acquisition d’un bien immobilier (en communauté ou en indivision) avec un conjoint exerçant une activité professionnelle de nature à menacer son patrimoine (entrepreneur individuel : artisan, commerçant, agriculteur, profession libérale).
— Le fait d’être le conjoint sans droit ni titre (non propriétaire) exposé à être expulsé sans formalité et sans préavis en cas de mésentente / séparation.
— L’acquisition d’un bien immobilier (seul ou avec un nouveau partenaire) avant la fin d’une procédure de divorce. Il s’agit là d’une procédure un peu complexe qui requiert l’accord du conjoint (qui va devenir l’ex-conjoint).

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Le meilleur ami de l’acquéreur n’est ni l’agent immobilier, ni le promoteur, ni le banquier… c’est le notaire !

Le notaire est la seule personne juridiquement qualifiée pour analyser une situation familiale / patrimoniale / fiscale et prodiguer des conseils appropriés en engageant sa responsabilité sur ceux-ci.

Il est donc vivement recommandé, dans le cadre d’une acquisition immobilière, de faire intervenir son propre notaire. Cette précieuse assistance n’entraînera aucune augmentation des honoraires puisque le montant de ceux-ci sera partagé entre les différents notaires intervenant à l’acte.

4 réflexions sur « Acheter seul(e) ou avec elle/lui ? »

  1. Bonjour Vanille,

    Merci pour ce très bon résumé des choses à savoir, à faire et à ne pas faire.

    A ton dernier conseil ( = prendre l’avis d’un notaire), si tu le permets j’en ajouterais un second; en cas d’accession à la propriété avec recours au crédit, prendre également assez vite l’avis de son banquier.

    Cordialement,

  2. Certaines questions évoquées ici sont sans rapport avec l’emprunt immobilier (droit de la famille, droit des successions,…).

    Bien sûr qu’il faut consulter son banquier…si on a besoin d’un crédit. Mais il faut, au préalable, avoir répondu à la question acheter seul(e) ou avec elle/lui.

    Les jeunes (moins de 30 ans) sont de plus en plus nombreux à vouloir acquérir leur résidence principale (et cela se comprend quand on voit le prix des loyers dans certaines régions). Doivent-ils obligatoirement associer l’ami(e) qu’ils ont depuis quelques mois à leur projet immobilier avec un emprunt d’une durée de 25/30 ans ?
    La réponse leur appartient… encore faut-il les éclairer (un peu).

    D’autre part, je ne suis pas certaine que ceux qui sont en couple (mariés, pacsés… ou pas) depuis des décennies aient tous une connaissance très fine des mécanismes que nous expliquons là.

  3. Vraiment merci Vanille95 pour ce post visant à aider le maximum de gens. J’ai 25ans ma Femme en a 23 et nous aimerions beaucoup investir dans l’immobilier locatif. Et ce genre d’information est vraiment utile. :clin-oeil: :sourire:

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