Parce qu’ils le veulent bien…

Le début de l’année est traditionnellement la période des bonnes résolutions.
Afin que 2011 soit, en ce qui concerne vos relations avec votre banquier, un long fleuve tranquille plutôt qu’une guerre ouverte, j’ai glané ça et là de nombreux conseils de bons sens que vous ne manquerez pas de suivre (j’en suis certaine).

Quand j’étais enfant, une chaîne de radio diffusait une émission animée par Tante Suzette (ou Antoinette, je ne sais plus) qui avait pour objectif d’aider nos mamans à préparer un repas de roi… en accommodant les restes.

Je pense qu’aujourd’hui, il vous sera facile trouver un Tonton Robert, Eugène ou Louis qui vous aidera à vivre comme un roi… avec un SMIC (ou moins) grâce à ses judicieux conseils que je reproduis ci-dessous.

Ne soyez jamais à découvert

Le découvert coûte cher, sans que l’on sache à l’avance combien. Il faut ajouter aux agios, les commissions d’intervention ou frais de forçage (on les appellera comme on voudra ; à côté d’eux, les agios sont juste un pourboire). C’est sans compter avec le jeu des dates de valeur (on croit le compte créditeur et il y a pourtant des agios à payer). La banque adresse chaque année un relevé des frais et c’est à ce moment-là que l’on découvre qu’elle nous a prélevé à ce titre l’équivalent de plus de la moitié d’un salaire.

Il y aurait beaucoup à dire sur les employeurs qui émettent les virements de salaires seulement quand ils ont de la trésorerie… mais c’est un autre sujet.

Pour ne pas être à découvert,…

Ne dépensez pas à tort et à travers

Pour ne pas dépenser plus que ses revenus, il faut résister à la terrible pression exercée par la conjointe et les enfants à chaque fois que l’on décide d’aller au centre commercial.

Toutes les études le prouvent : un homme normal s’en sort très bien tout seul ; dès qu’il a une conjointe, son budget explose (sans que l’on sache si la frénésie de dépenses constatées chez l’immense majorité des femmes est d’origine génétique ou culturelle).

Si vous avez des enfants, ce sera encore bien pire… car vous serez seul contre tous.
Il vous faudra donc refuser fermement d’acquérir une nouvelle console de jeux, un écran plasma ou un téléphone mobile 3G. Vous ne disposez pas des revenus de tout le monde alors, pourquoi vouloir à tout prix vous équiper comme tout le monde ?

Sachez épargner

Ce n’est pourtant pas compliqué : tous les mois, vous mettez 10% de vos revenus de côté afin de vous constituer une épargne de précaution (pour le cas où la voiture ou le réfrigérateur vous abandonnerait à mi-parcours).

C’est un exercice qui n’est probablement pas aisé pour ceux qui disposent d’un revenu qui ne couvre pas la totalité de leurs dépenses contraintes (comme dit l’INSEE pour qualifier le loyer, les échéances des prêts, l’énergie, les transports, les assurances, les abonnements divers,…) mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer.

L’objectif est de se constituer une épargne représentant 3 à 6 mois de salaire. Revenez-nous voir quand vous aurez atteint les 3 mois ; nous renouvellerons l’ordonnance.

Ne souscrivez pas des crédits que vous ne pourrez pas rembourser

Votre véhicule a rendu l’âme et vous souhaitez emprunter 3.000 euros pour le réparer… mais comment allez-vous rembourser ce prêt ? Les banques ne sont pas des associations de bienfaisance ; elles prêtent l’argent des clients honnêtes qui leur ont fait confiance.

Une solution à laquelle on ne pense pas toujours : la bicyclette ! Certaines communes (surtout des grandes dans lesquelles la circulation est difficile et le degré de pollution de l’air élevé) offrent parfois une petite subvention à tout nouvel acquéreur d’un vélo. Pourquoi ne pas en profiter ?

Il est vrai que, pour aller au supermarché avec le bébé un jour de pluie… ce n’est pas le top en termes de confort et de sécurité. Mais c’est toujours mieux que d’avoir souscrit un prêt qu’on n’arrive pas à rembourser.

Ne nourrissez pas des rêves hors de vos moyens

Quand on voit tous ces gens qui s’endettent sur 30 ans (oui, plus d’un quart de siècle !) pour avoir un toit sur la tête, on a vraiment envie de leur dire Casse-toi, pauvre smicard et reste dans ton logement HLM !
Il est vrai qu’avec un revenu médian en 2008 de 1.580 euros, on a une chance sur deux d’être en dessous… et de ne pouvoir financer avec un emprunt sur 15 ans… que la salle de bains et l’entrée du logement.

Et puis, sur une telle durée, il peut se passer tant de choses… Vous pouvez divorcer, mourir, devenir invalide, être muté,… À choisir, il vaut mieux encore mourir puisque la compagnie d’assurance remboursera tout ou partie du prêt et votre conjointe pourra vivre un veuvage serein.

Sans compter que, si vous êtes muté (ce qui suppose que vous n’êtes ni en CDD, ni intérimaire, ni en contrat de qualification, ni chômeur et que vous n’avez pas été licencié pour raisons économiques), votre bien aura immanquablement perdu de sa valeur quand vous souhaiterez le revendre. Vous serez alors victime d’une malédiction dont le nom est aussi barbare que le résultat lui-même : la negative equity (pour ceux qui ne sont pas Bac+ 5 trilingues, il existe d’excellents traducteurs sur le net).

Travaillez plus pour gagner plus

Ne refusez jamais un petit travail supplémentaire. Je sais, c’est facile à dire à des gens qui sont au chômage technique un jour sur 4.
Il faudra aussi qu’on m’explique comment on fait pour imposer des heures supplémentaires à son employeur… Moi, dans ma boîte, c’est le patron qui décide ; pas moi.

Qualifiez-vous

Bien souvent, le petit salaire a pour cause une absence/insuffisance de formation. C’est vrai, on n’est pas au SMIC par hasard. En conséquence, il faut vous qua-li-fier.

Dans notre beau pays démocratique, le coût des études universitaires est si faible qu’il serait vraiment dommage de se priver d’étudier.
Après une journée de travail et 2 ou 3 heures de transport, rien de mieux pour se changer les idées que de se plonger dans les livres ; il s’agit-là d’une activité bien plus enrichissante que l’habituelle soirée télé. Et puis, si vous veillez, vous pourrez prendre en charge le biberon de 2 heures (ça permettra à votre conjointe de dormir un peu).

Même si vous hésitez à entreprendre des études longues (si vous avez commencé à travailler avant votre majorité, il y a encore du chemin à faire avant de parvenir au master ou au doctorat), commencez par apprendre à vous exprimer correctement (surtout si vous avez pour projet de venir demander de l’aide ou des conseils sur les forums ou si vous souhaitez écrire à votre banquier pour lui demander de vous restituer des frais indûment perçus).

N’oubliez pas que, sur les forums, les experts qui ont un avis sur tout (et surtout un avis sur ce qui est bon ou mauvais pour vous) vous jugent avant tout sur votre capacité à vous exprimer. De nombreuses études prouvent par ailleurs que la probabilité de défaillance d’un emprunteur est inversement proportionnelle à sa maîtrise du langage et de l’orthographe (c’est ce que l’on appelle la loi de Spoofy).

°°°°°

En vérité, je vous le dis, les gens restent dans l’ignorance et la précarité parce qu’ils le veulent bien.

Nous avons l’immense bonheur de vivre dans une société où tout est possible et où il appartient à chacun de se prendre en charge.

Même si l’ascenseur social fonctionne au ralenti, prenez l’escalier et n’écoutez pas ceux qui affirment que la mobilité sociale n’existe pas. Sachez, tout de même, que cette mobilité peut être aussi bien descendante que ascendante (on ne peut pas gagner à tous les coups) et que, dans ce domaine, comme dans d’autres, ça peut toujours être pire.

Chacun d’entre nous a un voisin ou un ami qui a commencé sa vie professionnelle payé au SMIC… et qui, aujourd’hui (30 ans après), est imposé à l’ISF. C’est très certainement parce qu’il a suivi à la lettre les conseils listés ci-dessus.

Alors, pourquoi pas vous ?

Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé n’est hélas pas fortuite.