Vaincre la pauvreté en France : mission impossible ?

L’objectif du gouvernement français était de réduire la pauvreté d’un tiers entre 2007 et 2012. Au moyen d’une quarantaine d’indicateurs, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) dresse dans son 7ème rapport un état des lieux qui met en évidence des tendances inquiétantes, sur des périodes dont la durée est bien supérieure à celle d’un quinquennat présidentiel.

Les effets de la crise sur cette situation sont indiscutables mais il serait illusoire de s’imaginer, qu’avant elle, la pauvreté était en voie de résorption.

Publiciation initiale le 21/04/2012

Comment se mesure la pauvreté ?

L’indice utilisé le plus souvent est le taux de pauvreté monétaire qui est un pourcentage (40%, 50%, 60%,…) du niveau de vie médian en France.

Pour calculer ce niveau de vie médian, on cherche la valeur qui partage la population en 2 parties égales ; 50% des personnes ont un niveau de vie inférieur à ce montant ; 50% ont un niveau de vie supérieur à ce montant.

Il faut au préalable déterminer le niveau de vie de chacune des personnes. Pour y parvenir, il faut diviser le revenu disponible du ménage par le nombre d’unités de consommation (UC). L’échelle utilisée est celle de l’OCDE, savoir : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres adultes de 14 ans ou plus et 0,3 UC pour chacun des enfants de moins de 14 ans.

Avec cette méthode, un ménage composé de 2 adultes et de 2 enfants de 8 et 14 ans se voit doté de 2,3 UC (soit 1 + 0,5 + 0,5 + 0,3). Si le revenu disponible mensuel de cette famille est de 1 500 € par mois, son revenu corrigé sera de 652,17 € par UC (1 500 € divisé par 2,3 UC).

Le revenu disponible du ménage comprend les revenus d’activité ainsi que ceux du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages (pensions alimentaires, par exemple) et les prestations sociales (allocations diverses, pensions de retraite,…) déduction faite des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG, CRDS,…).

Si vous avez suivi jusqu’ici, vous êtes en mesure de calculer le revenu disponible de votre propre ménage.

Quelques repères chiffrés

Le niveau de vie médian s’établit en 2009 à 1 590 €.

Le taux de pauvreté monétaire étant calculé à partir du niveau de vie médian, on peut présenter la synthèse suivante :

Taux de pauvreté monétaire

 à 60 % du niveau de vie médian (954 €)

à 50 % du niveau de vie médian (795 €)

à 40 % du niveau de vie médian (640 €)

2000

2009

2000

2009

2000

2009

13,6% 13,5% soit 8,2 millions de personnes 7,2% 7,5% soit 4,5 millions de personnes 2,7% 3,3% soit 2 millions de personnes

Champ : Personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. Sources : INSEE-DGI

Comme le mentionne le rapport lui-même, on note une forte sensibilité du taux de pauvreté au seuil retenu. Près de 4 millions de personnes disposent d’un niveau de vie compris entre 795 euros et 954 euros par mois.

L’emploi difficile à trouver

L’emploi restera toujours la meilleure protection contre la pauvreté monétaire ; faut-il encore qu’il soit stable et rémunérateur.

Le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi est un indicateur à prendre en compte à condition que l’on ne s’arrête pas aux demandeurs d’emploi de catégorie A (ceux qui n’ont pas d’emploi du tout). Il faut aussi y intégrer les demandeurs de catégorie B (qui ont travaillé 78 heures ou moins au cours du mois) ainsi que ceux qui appartiennent à la catégorie C (qui ont travaillé plus de 78 heures au cours du mois mais qui sont toujours à la recherche d’un emploi). Le cumul des demandeurs inscrits dans les 3 catégories représente plus de 4,3 millions de personnes fin 2011.

Cet indicateur demande néanmoins à être corrigé car l’inscription à Pôle emploi, même si elle ouvre parfois des droits à indemnisation (en 2010, 40% des demandeurs inscrits n’étaient pas indemnisés) n’est pas obligatoire et nombre de personnes en recherche d’emploi ne font pas la démarche.

Le taux de pauvreté monétaire des personnes qui travaillent augmente aussi sensiblement (5,4% en 2003 mais 6,7% en 2009) du fait des contrats de travail précaires et du temps partiel non choisi.

La Commission européenne utilise un indicateur appelé taux de transition de l’emploi temporaire vers l’emploi permanent (proportion de salariés en emploi temporaire l’année N qui sont passés en emploi permanent l’année suivante). La France est le pays de l’UE qui a le taux le plus bas (17%).

L’organisation de Pôle emploi a été sérieusement malmenée entre 2009 et 2010 du fait de l’arrivée de 730 000 demandeurs d’emploi supplémentaires alors même que les effectifs sont restés presque constants. Une étude de l’Inspection générale des Finances met d’ailleurs en évidence la faiblesse des effectifs de Pôle emploi eu égard à ceux de ses homologues européens. Alors qu’il y a en France 71 équivalents temps plein pour traiter les dossiers de 10 000 demandeurs d’emploi, ce chiffre s’élève à 113 au Royaume-Uni et 150 en Allemagne.

Le coût du logement

Les dépenses de logement ont augmenté bien plus vite que les revenus et que les aides au logement.

Une étude de la DREES citée dans le rapport met en évidence l’inadéquation de la modulation du paramètre des loyers plafonds en fonction de la zone géographique et les inégalités entre locataires du parc social et ceux du parc privé.

Les plafonds de la zone I (la plupart des communes d’Île-de-France) sont supérieurs de 23 % aux plafonds de la zone III, alors que le loyer libre moyen au mètre carré est plus élevé d’environ 127 % en zone I qu’en zone III.

De plus, le loyer réel de près de 70 % des bénéficiaires est en moyenne supérieur au loyer plafond (49 % dans le parc social et à 90 % dans le parc privé).

Le coût de l’énergie

En 2006, près de 15% des ménages consacraient plus de 10% de leur revenu à la fourniture d’énergie pour leur logement.

Le tarif social pour l’électricité ne profite pas encore à la totalité des bénéficiaires potentiels (1,5 million de foyers). La mise en œuvre des dispositions applicables depuis début 2012 (application du tarif social à toutes les personnes disposant de ressources leur permettant de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire) devrait constituer un véritable progrès. Il faut néanmoins attendre que les organismes d’assurance maladie aient communiqué les coordonnées des personnes susceptibles d’en bénéficier aux fournisseurs d’électricité.

Les prestations sociales

Les prestations sociales constituent un tiers du revenu disponible des ménages en situation de pauvreté (contre 4% pour l’ensemble de la population). Les salaires, qui représentent les deux tiers des revenus de l’ensemble de la population, ne comptent que pour un tiers du revenu des ménages les plus pauvres.

Quand on dit que les prestations sociales (prestations familiales et aides au logement principalement) ont une incidence importante sur la réduction de la pauvreté, il faut comprendre que, sans ces versements, la situation serait encore plus dégradée.

L’effet du RSA sur la réduction de la pauvreté est bien moindre du fait de l’importance du non-recours (estimé à environ 35% des bénéficiaires potentiels). Au-delà de la complexité administrative du dossier de demande de RSA, certaines personnes éligibles ne souhaitent pas recevoir une aide sociale surtout quand elles sont en activité (même réduite).

Le rapport du ONPES remarque d’ailleurs que le non-recours au RSA génère une somme non distribuée supérieure à 5 milliards d’euros. Rappelons que la dépense globale relative à ce dispositif s’élève à 6,6 milliards d’euros pour les départements et 1,3 milliards d’euros pour l’État.

Depuis une vingtaine d’années, les prestations sociales sont revalorisées en fonction de l’évolution des prix (hors tabac) et non plus en fonction des revenus d’activité (SMIC).

En 2009, aucun dispositif (hormis l’AAH et le minimum vieillesse) ne permet à lui seul de dépasser le seuil de pauvreté à 40% (soit 640 €).

Au-delà des chiffres, le ressenti

Une enquête organisée pour le compte du Secours populaire constate que « avec la crise, une majorité de plus en plus nette de Français (57 %) déclare désormais avoir fait l’expérience de la pauvreté (35 %), ou y avoir échappé de justesse (22 %) ».

Dans cette enquête, le montant minimum moyen estimé nécessaire pour vivre se situe autour de 1 361 € par mois et par personne. Il s’agit d’un montant supérieur au seuil de pauvreté monétaire à 60 % (954 €).

Le montant de ce revenu estimé nécessaire est à rapprocher du SMIC à 1 700 € (brut ou net, maintenant ou plus tard) inscrit dans le programme de certains candidats à l’élection présidentielle.

 

 

Tous les chiffres cités sont extraits du rapport lui-même.

3 réflexions sur « Vaincre la pauvreté en France : mission impossible ? »

  1. Bonjour Vanille,

    Bien content de te voir revenue malgré l’annonce que tu nous avait faite.

    Etude et commentaires très intéressants.

    Cordialement,

  2. Bonjour Vanille,

    Oui; des doutes avaient bien été émis.

    Mais désormais que la vérité est connue tu es « grillée » pour nous refaire le même coup les prochaines années.

    Cdt

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