Un peu plus d’équité… mais un peu moins de fumée

Laissons les médias qui font l’opinion se vautrer dans le prétendu scandale des parlementaires coupables d’absentéisme.

Les rares fois où j’ai regardé le JT sur une chaîne privée bien connue, les images montraient un hémicycle plein à craquer. Vous croyez qu’il y a trucage ?

Je n’ai personnellement aucune idée de la charge de travail qui pèse sur les élus mais j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un vrai métier qui exige de nombreuses connaissances dans des domaines très variés.

Un bon parlementaire est nécessairement incollable sur les modalités de calcul du TEG, expert en fiscalité des entreprises, très au fait des questions relatives aux régimes matrimoniaux, intarissable sur les fondements juridiques de la laïcité contenus dans notre Constitution… et je ne vous parle même pas des domaines dans lesquels je suis moi-même une parfaite ignorante mais qui font le quotidien des débats (tels les questions médicales, l’énergie nucléaire, les relations internationales,…).

Je me plais par ailleurs à imaginer que la vie parlementaire a des similitudes avec la vie scolaire et que le succès ne rime pas toujours avec l’assiduité.

Il y a ceux qui viennent tous les jours… ce qui ne veut pas dire qu’ils sont nécessairement studieux. Peut-être qu’ils prennent place dans l’hémicycle mais qu’ils rédigent leur courrier, lisent des bandes dessinées, envoient des textos à leurs amis ou même rêvent d’un autre monde… Mais voilà l’oiseau-lyre qui passe dans l’hémicycle ; le parlementaire le voit ; le parlementaire l’entend ; le parlementaire l’appelle. Sauve-moi, joue avec moi, oiseau ! Alors l’oiseau descend et joue avec le parlementaire…

Et puis il y a ceux que les contraintes de la vie empêchent de siéger régulièrement (tout le monde n’habite pas à proximité du Jardin du Luxembourg ou du palais Bourbon)… mais qui étudient, analysent, rédigent consciencieusement chez eux, dans leur bureau, dans le train ou dans une chambre d’hôtel.

Quand on sait que, chaque année, plusieurs dizaines de propositions de loi sont déposées sur le bureau de l’Assemblée Nationale ou du Sénat et qu’environ 20% des lois sont issues de propositions parlementaires, c’est bien la preuve qu’il y a des élus qui travaillent.

Je précise au passage (pour ceux qui avaient pris la mauvaise habitude de sécher les cours de droit constitutionnel) que les propositions de loi émanent du Parlement alors que les projets de loi sont de l’initiative du Gouvernement.

Tout cela pour dire que je souhaitais attirer votre attention sur l’une de ces propositions de loi enregistrée par le Sénat le 4 février dernier (proposition n°266) dans laquelle Monsieur Claude BIWER et ses collègues suggèrent un calcul plus équitable de l’impôt sur la plus-value immobilière.

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Rappels sur les plus-values immobilières (pour ceux qui séchaient aussi les cours de fiscalité).

Toute cession de bien immobilier générant une plus-value fait l’objet d’une taxation (Article 150VB du CGI). Seule la résidence principale (quelle que soit sa durée de détention) échappe à ce dispositif ainsi que les biens (quelle que soit leur affectation) qui sont vendus 15 ans après leur acquisition.

La plus-value se détermine par différence entre le prix de vente indiqué dans l’acte notarié et le prix d’acquisition majoré des frais d’acquisition, d’éventuelles dépenses pour travaux ou encore de frais de voirie,….

Au-delà d’une période de 5 ans de détention, la plus-value est corrigée en fonction de la durée de détention du bien immobilier vendu au moyen d’un abattement de 10 % par année de possession de l’immeuble Un abattement fixe de 1 000 euros est également appliqué à la plus-value brute.

Cette plus-value est soumise à une taxation au taux de 28,1 % (16 % au titre de l’impôt sur le revenu et 12,1 % au titre des prélèvements sociaux).

L’impôt afférent à la plus-value taxable est déclaré sur l’imprimé n° 2048 IMM. C’est le notaire qui établit cette déclaration et qui paye l’impôt pour le compte du vendeur. En clair : il n’y a aucun moyen d’y échapper.

Le prix d’acquisition qui est retenu pour effectuer ce calcul n’est pas corrigé des effets de l’inflation.

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Monsieur BIWER donne ainsi l’exemple suivant :
Si un bien a été acheté en 1997 au prix d’un million de francs soit l’équivalent de 152 450 euros et vendu 300 000 euros en 2010, la plus-value sera calculée sur la différence entre ces deux prix sans tenir compte de la véritable valeur du million de francs de 1997 : or, d’après l’INSEE, celle-ci ne correspond plus à 152 450 euros mais à 182 980 euros soit une appréciation de 20 %.

La proposition de loi consiste donc à majorer le prix d’acquisition de l’érosion monétaire afin de diminuer le montant de la plus value et de réduire l’impôt dû.

Dans l’exemple précité, la plus-value ne serait pas calculée sur la différence entre 152 450 et 300 000 euros mais entre 182 980 et 300 000 euros. Ce qui réduirait le montant de la plus value de près d’un tiers.

Toujours à l’attention de ceux qui n’ont pas eu la chance de suivre des cours de droit public, je précise que les rédacteurs de notre Constitution ont prévu une disposition qui empêche les parlementaires de rédiger des propositions de loi coûteuses et sans contrepartie financière. Avouez qu’il serait un peu facile de proposer tout et n’importe quoi pour flatter son électorat sans se soucier de l’aspect financier de la mesure.

C’est ce que l’on appelle l’irrecevabilité financière de l’article 40, en vertu duquel les propositions de loi (ainsi que les amendements), sont déclarés irrecevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.

En conséquence, quand une diminution des recettes publiques est proposée (comme dans le cas présent), il convient de prévoir dans le même texte une ressource à due concurrence afin de ne pas créer un déséquilibre budgétaire.

Et devinez ce qu’ont prévu Monsieur BIWER et ses collègues pour compenser la réduction des recettes que pourrait générer l’adoption de leur proposition…

Soucieux de notre santé à tous, ils proposent la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts c’est-à-dire, pour appeler un chat un chat… une augmentation du prix du tabac.

Je suis convaincue que nous suivrons tous avec attention l’inscription à l’ordre du jour des débats du Sénat de cette proposition de loi pleine de bon sens.