EIRL : un échec prévisible ?

Au cours de mes derniers billets, j’avais cité certaines propositions de loi qui ne me semblaient pas être en parfaite adéquation avec les préoccupations quotidiennes des citoyens / consommateurs / contribuables que nous sommes.
N’allez surtout pas imaginer que les parlementaires disposent du monopole en matière de dispositions législatives peu en phase avec nos pratiques et nos besoins ; le pouvoir exécutif n’est pas en reste.

Publication initiale le 29/01/2013

Nous avions détaillé en 2010 le dispositif complexe de l’EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée) qui devait permettre d’entreprendre sans mettre en danger son patrimoine personnel, en affectant aux éventuelles poursuites des créanciers les seuls éléments de son patrimoine professionnel.

L’idée paraissait intéressante et l’étude d’impact annexée au projet de loi déposé en janvier 2010 promettait 100 000 EIRL au 31 décembre 2012 (dont 45 000 susceptibles d’opter pour l’impôt sur les sociétés avant cette date). Sauf que les entrepreneurs n’ont pas vu les choses de cette manière et n’ont, semble-t-il, pas été véritablement séduits.

L’INSEE annonce en effet, qu’en 2012, 4 041 entreprises individuelles à responsabilité limitée ont été créées.
Sur les 6 040 EIRL créés en 2011, un quart de ces entreprises existaient déjà sous un autre statut.

Quand on atteint un résultat à peine égal à 10% de l’objectif (10 081 EIRL créés), c’est manifestement qu’on s’est trompé d’objectif.

Compte tenu des délais nécessaires aux services fiscaux pour élaborer des statistiques, il est impossible de connaître aujourd’hui le nombre d’EIRL ayant opté pour l’impôt sur les sociétés, d’autant plus que le décret qui organise cette soumission à l’IS n’a été publié… qu’en mars 2012.

Rappelons que pour mettre en place le dispositif relatif à l’EIRL, il n’a pas fallu moins de :

– Une loi : n°2010-658 du 15 juin 2010 (votée dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 45 alinéa 2 de la Constitution) ;
– Une ordonnance : n°2010-1512 du 9 décembre 2010 ;
– Cinq décrets : n°2011-188 du 17 février 2011, n°2011-1481 du 08 novembre 2011, n°2012-122 du 30 janvier 2012, n°2012-398 du 22 mars 2012, et n°2013-65 du 18 janvier 2013 ;
– Deux arrêtés : des 29 décembre 2010 et 28 septembre 2011  ;
– Une circulaire du 19 décembre 2011 ;
– Une circulaire du RSI et une circulaire de l’URSSAF ;
– Un BOI n°4 A-4-12 du 9 mars 2012

Ajoutons qu’un site officiel dédié à l’EIRL a été créé.

Ayez la décence, dans vos commentaires, de ne pas vous écrier « tout ça pour ça ! » .

Rappelons que les entrepreneurs individuels auxquels il était proposé d’affecter leur patrimoine professionnel afin de protéger leur patrimoine privé
— Ou bien disposent d’un patrimoine professionnel conséquent et n’ont pas attendu la loi de 2010 pour le loger dans des structures dont l’existence est déjà ancienne dans notre droit (SCI, SCM,…) ;
— Ou bien n’ont pour tout patrimoine professionnel que leur savoir-faire.

On comprend aisément que ce dispositif n’ait pas enthousiasmé les premiers qui avaient déjà trouvé des solutions pour gérer leur patrimoine professionnel, ni les seconds qui se sont retrouvés face à une complexité sans commune mesure avec l’ambition de leur projet de création d’entreprise.

Ajoutons à cela que l’obligation de publier ses comptes a peut-être été aussi un frein alors qu’aujourd’hui, seules les sociétés y sont soumises.

Les professionnels du chiffres ont eux aussi laissé paraître un certain scepticisme à l’égard de ce nouveau statut juridique.

Les banques ont certes proposé des « packages » aux professionnels qui souhaitaient devenir EIRL (puisque la loi oblige ces entrepreneurs à disposer d’un compte bancaire dédié à leur activité) mais leur attentisme a été dicté par leurs interrogations en matière de prise de garanties sur un patrimoine professionnel parfois réduit à la portion congrue.

Les experts-comptables et les AGA/CGA (associations et centres de gestion agréés) ne semblent pas avoir été non plus les promoteurs de ce nouveau statut, jugeant probablement que l’assistance à fournir à l’entrepreneur (et la facturation qui va avec) ne serait pas proportionnée aux résultats escomptés de l’entreprise.

Terminons ce billet par une note d’espoir.
Sylvia PINEL, Ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme a présenté en Conseil des Ministres, le 23 janvier 2013, le « pacte pour l’artisanat ». À cette occasion, elle a annoncé que « le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée sera simplifié et fiabilisé ». Vous voyez, tout va s’arranger…

3 réflexions sur « EIRL : un échec prévisible ? »

  1. Ca me rappelle furieusement toutes ces lois promulguées depuis des lustres pour lutter contre le chômage, avec l’efficacité qu’on sait.

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