Locataires / bailleurs : le changement c’est pour bientôt

Certains n’hésiteront pas à dire que je radote et que j’annonce, au moins une fois par an, un projet de loi réformant les relations locataires / bailleurs.
Ce n’est pas ma faute si le précédent projet, discuté au Parlement fin 2011, est tombé aux oubliettes du fait de l’élection présidentielle de 2012.
C’est donc un nouveau projet de loi qui a été déposé fin juin 2013 sur le bureau de l’Assemblée nationale et qui fera l’objet d’un débat à compter de la rentrée prochaine.
Publication initiale le 16/08/2013

Ne comptez pas sur moi pour synthétiser en moins de 2 000 mots ce texte qui ne compte pas moins de 84 articles et qui concerne tous les aspects du logement (baux à usage d’habitation, professions de l’immobilier, prévention des expulsions, gestion des copropriétés, lutte contre l’habitat indigne, modernisation de l’urbanisme dans une perspective de transition écologique des territoires, gestion des demandes de logement social,…).

Concentrons notre propos sur les principales dispositions relatives aux relations locataires / bailleurs. Ceux qui sont intéressés par d’autres volets de cette réforme pourront prendre connaissance du projet de loi et de son étude d’impact rassemblés dans un document de près de 900 pages.

La signature du bail

Les pièces justificatives d’identité et de solvabilité

La législation actuelle (article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989) prévoit une liste de pièces que le bailleur ne peut pas exiger de son futur locataire.

Le projet de loi s’engage dans une démarche inverse qui consiste à fixer la liste exhaustive des pièces qui peuvent être demandées (comme cela existe déjà pour l’accès au parc social) ; cette liste sera définie par décret en Conseil d’État.

En pratique, dans les régions où les logements à louer à des prix raisonnables sont rares et pour les candidats locataires à profil « atypique » (non salariés, titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, intérimaires,…), la nouvelle rédaction du texte n’empêchera pas les abus que nous connaissons.

Le bail

Le respect d’un bail type (dont le texte sera défini par décret) sera imposé. Il intégrera de nouvelles mentions obligatoires parmi lesquelles :

  • le montant et la description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement de bail ;
  • les références de loyers dans les zones tendues et le montant du dernier loyer acquitté par le dernier locataire dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail
  • les moyens de connexion au réseau internet ;
  • la mention de la surface louée afin de rendre effectif l’action en diminution de loyer.

L’état des lieux

L’état des lieux deviendrait lui aussi un document type dont le modèle sera défini en Conseil d’État.

Le locataire bénéficierait d’un droit de rectification de l’état des lieux d’entrée pendant une période de 10 jours à compter de son établissement. Si la demande du locataire est refusée, celui-ci pourra saisir la commission départementale de concertation territorialement compétente.

Le dossier de diagnostic technique devra intégrer deux nouveaux documents :

  • la copie de l’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante (que le propriétaire a l’obligation de réaliser aux termes de l’article L. 1334-13 du code de la santé publique) ;
  • un état de l’installation intérieure d’électricité (état à définir par un décret en Conseil d’État) dont l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes.

Une notice informative devra être annexée au bail. Elle comportera des éléments rappelant le cadre juridique de la location (droits et obligations des parties, moyens de traitement des litiges…). Le contenu de cette notice sera déterminé par un arrêté du ministre en charge du logement.

Le cautionnement

Le cautionnement sera déclaré nul si le bailleur a contracté une autre forme de garantie.

En cours de bail

Réduire le délai pour la révision de loyer

La législation actuelle prévoit que le bailleur, qui a omis d’appliquer la clause de révision prévue au bail, peut réajuster le montant du loyer au maximum sur les cinq dernières années.

Le projet de loi entend limiter cette rétroactivité et impose que la révision du loyer soit appliquée par le bailleur dans un délai limité à un an suivant sa date de prise d’effet, et qu’elle ne s’applique pas rétroactivement.

Cette disposition s’appliquera aux baux en cours à la date de promulgation de la loi.

Réduire le délai de prescription pour le paiement des loyers

Aujourd’hui, un bailleur dispose d’un délai de cinq ans pour réclamer le paiement d’un loyer ; l’introduction d’une action en justice ayant pour effet d’interrompre ce délai de cinq ans.

La législation nouvelle propose de réduire à trois ans le délai de prescription pour l’ensemble des actions en paiement dérivant d’un contrat de bail, à l’exception des actions en révision de loyer qui sont prescrites au terme d’un délai d’un an.

Rappelons que la prescription en matière de salaire a été tout récemment réduite de cinq à trois ans (art. L3245-1 du code du travail) et que les parlementaires ont toujours été soucieux de préserver une harmonie de délai entre ces deux prescriptions.

En pratique, les bailleurs étourdis pourraient perdre de l’argent ; les bailleurs prudents devront engager une action en justice dans les meilleurs délais.

Donner des délais pour le paiement des arriérés de charges

Il est proposé, lorsque le bailleur procède à une régularisation des charges plus d’un an après leur exigibilité, de permettre au locataire qui en fait la demande de s’acquitter de cette somme par douzièmes.
Cette disposition s’appliquera aux baux en cours à la date de promulgation de la loi.

Permettre une action en diminution de loyer lorsque la surface réelle du logement est inférieure à la surface précisée dans le bail

Une action judiciaire sera ouverte au profit du locataire afin d’obtenir, sous certaines conditions, une diminution de loyer proportionnelle à l’écart constaté avec la surface réelle du logement.

Le juge devra être saisi dans un délai de quatre mois à compter de la prise d’effet du bail ; dans ce cas, la diminution de loyer prononcée par le juge prendra effet à la date de signature du bail.

Si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la prise d’effet du bail, la diminution de loyer n’interviendra qu’à compter de la demande du locataire.

Pour savoir comment se calcule la surface habitable d’un logement, il faut se référer à l’article R111-2 du CCH.

Permettre au bailleur de souscrire une assurance habitation en cas de carence du locataire et aux frais de ce dernier

À défaut de la remise de l’attestation d’assurance au bailleur et après un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure non suivie d’effet, le bailleur pourra souscrire une assurance limitée à la couverture de la responsabilité locative pour compte du locataire.

Le montant de la prime annuelle acquittée par le bailleur sera (éventuellement majoré dans la limite d’un forfait maximal fixé par décret en Conseil d’État) récupérée sur le locataire par douzièmes.

Dans le cas où le locataire remet ensuite à son bailleur une attestation d’assurance (ou dans le cas où le locataire quitte le logement avant l’échéance du contrat d’assurance), le bailleur résiliera ledit contrat d’assurance.

Cette disposition s’appliquera aux baux en cours à la date de promulgation de la loi.

En pratique, on peut penser que ce dispositif sera difficile à mettre en œuvre car le locataire qui n’est pas couvert pour sa responsabilité locative est souvent aussi en retard dans le paiement de ses loyers. Le bailleur risque fort de s’engager dans la souscription d’un contrat pour lequel il ne pourra pas se faire rembourser la prime qu’il aura payée. Quant à la résiliation dudit contrat par le bailleur, elle est soumise aux délais en vigueur en cette matière.

Fin du bail

Cautionnement et colocation

En cas de colocation, il sera mis fin à la clause de solidarité incluse dans le contrat de bail pour un colocataire quittant le logement si celui-ci est remplacé par un nouveau colocataire et avec l’accord de son bailleur.
Le projet de loi ne précise pas les conséquences d’un désaccord du bailleur.

Réduire le délai de préavis pour congé du locataire en zone tendue

La durée du préavis que doit respecter un locataire souhaitant quitter son logement est, sauf cas particulier, de trois mois. Il est proposé de réduire ce délai à un mois dans les « zones tendues ».

Les « zones tendues » sont celles dans lesquelles s’applique la taxe sur les logements vacants prévue à l’article 232 du CGI. Vous trouverez la liste des communes concernées dans le décret n°2013-392 du 10 mai 2013.

Dans les zones non tendues, le locataire souhaitant bénéficier d’un préavis réduit, devra, dès l’envoi de la lettre de congé, transmettre des éléments permettant de justifier du bénéfice d’un préavis réduit.

Renforcer la majoration pour retard de restitution du dépôt de garantie

La législation actuelle (article 22 de la loi du 6 juillet 1989) prévoit que le dépôt de garantie doit être restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire. A défaut de restitution dans le délai prévu, le solde du dépôt de garantie restant dû au locataire, après arrêté des comptes, produit intérêt au taux légal (soit 0,04% l’an en 2013) au profit du locataire.

Le nouveau texte prévoit que la rétention illégale du dépôt de garantie par le bailleur est sanctionnée par le versement au locataire d’une pénalité par mois de retard équivalente à 10 % du dépôt.

Autres mesures

Améliorer l’encadrement des logements meublés

Les locations meublées constituant la résidence principale d’un locataire représentent environ 7% du parc locatif. Le législateur entend donc assurer une protection des locataires de meublés dès lors que le logement loué constitue la résidence principale du preneur.

Certaines dispositions de la loi nouvelle seraient donc applicables aux logements meublés : le bail type, l’état des lieux, le dossier de diagnostic technique, les clauses réputées non écrites, la rémunération des intermédiaires, les obligations des parties et les règles de prescription.

Il est également proposé de limiter le dépôt de garantie à un montant correspondant à deux mois de loyer et de permettre la résiliation du contrat à tout moment par le locataire à condition de respecter un préavis d’un mois.

Mettre en place une garantie universelle des loyers

Cette mesure, qui vise à indemniser les bailleurs du parc locatif privé des impayés de loyer en location nue ou meublée via une large mutualisation des risques, devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2016 et ne concerner que les baux signés à compter de cette date.

Un nouvel établissement public administratif de l’État sera créé à cet effet. Il devra dans un premier temps préfigurer le dispositif pour ensuite l’administrer.

Créer un dispositif d’encadrement des loyers

L’objectif est d’encadrer les loyers dans les zones tendues et dotées d’un observatoire local des loyers.

À partir des données représentatives des loyers pratiquées produites par les observatoires des loyers, un arrêté annuel du préfet de département fixera pour chaque catégorie de logement :

  • Un loyer médian de référence ;
  • Un loyer médian de référence majoré, qui ne peut être supérieur à 20 % du loyer médian de référence ;
  • Un loyer médian de référence minoré.

En cas de renouvellement de bail, les modalités de réajustement du loyer devront se conformer aux loyers médians de référence en vigueur au moment du renouvellement.

 

Ce texte est loin d’être révolutionnaire ; il est largement inspiré du projet de loi discuté par le Parlement fin 2011.

Il n’y a plus qu’à souhaiter qu’il soit adopté… avant les prochaines élections présidentielles.

 

Voir le comparatif « législation en vigueur / projet loi / projet de loi amendé par la Commission des affaires économiques ».

4 réflexions sur « Locataires / bailleurs : le changement c’est pour bientôt »

  1. Je ne peux qu’applaudir à la mise en place de toutes ces mesures, moi qui vient de revendre mon appartement et vais (re)devenir locataire pour quelques temps.

  2. JE CONSTATE QUE la loi va dans le sens des locataires et pas des bailleurs encore une fois. Et on s’etonne que les bailleurs preferent laisser fermer que mettre en location !!

    1. Il est difficile de se prononcer avant les débats parlementaires et la promulgation du texte.
      Parfois, entre la volonté d’un gouvernement et la teneur du texte définitivement adopté… il y a de gros écarts.

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