Comment tirer parti d’un dispositif législatif qui ne sert presque à rien ?

La législation française n’est pas avare de dispositifs qui concernent très peu de personnes. Ou bien le dessein du législateur était de traiter le cas de quelques citoyens plus lobbyistes que les autres, ou bien encore le dispositif avait un objectif quasi-universel… mais il a raté sa cible.
La législation sur l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) appartient indiscutablement à la deuxième catégorie, comme nous l’expliquions ici.
Pourtant, le statut de l’EIRL peut s’avérer opportun pour les entrepreneurs individuels en situation de surendettement du fait de leurs dettes non professionnelles.

Publication initiale le 19/12/2013

La procédure de surendettement des particuliers n’est en effet pas ouverte aux entrepreneurs individuels (commerçants, artisans, professions libérales, agriculteurs) qui, eux, relèvent des procédures collectives spécifiques aux entreprises (mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, redressement / liquidation judiciaire).

Ces personnes sont exclues de la procédure de surendettement, même si leur endettement privé est important et même si leur endettement professionnel est insignifiant voire inexistant.

Les seuls entrepreneurs individuels éligibles à la procédure de surendettement des particuliers sont les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (art. L333-7 du code de la consommation).

Si ces entrepreneurs avaient choisi de créer une personne morale (EURL, SARL, SA,…), ils auraient pu déposer un dossier de surendettement pour leurs dettes personnelles mais aussi pour les dettes résultant de cautionnements souscrits pour garantir les engagements de leur société.
Souvent, l’urgence empêche de constituer une personne morale dans le seul objectif d’être éligible à la procédure de surendettement des particuliers.

Face à un endettement de nature privée qui devient insoutenable, les entrepreneurs individuels peuvent donc opter pour le statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée avant de déposer un dossier de surendettement auprès de la commission dont dépend leur domicile.

Cette possibilité est ouverte à tous les entrepreneurs individuels quel que soit leur régime fiscal (auto-entreprise / micro-entreprise / réel).

Il faut pour cela effectuer auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) dont dépend l’entrepreneur, et avant le dépôt du dossier de surendettement,

  • Une modification d’inscription à l’aide du formulaire P2 en prenant garde de ne pas se tromper car il existe un formulaire P2 pour les professions libérales et un formulaire P2 pour les autres entrepreneurs.
  • Un dépôt de la déclaration du patrimoine d’affectation (liste des biens professionnels) conformément aux articles L526-7 et suivants du code de commerce.

S’il existe des dettes professionnelles échues (qui n’ont pas été payées à l’échéance), il est prudent d’avoir mis en place un échelonnement en accord avec les créanciers avant le dépôt du dossier de surendettement car la commission de surendettement a pour mission de négocier seulement avec les créanciers privés.

Les échéances de l’accord seront prises en compte dans l’élaboration du plan de surendettement et notamment dans la détermination du reste à vivre du surendetté.

L’adoption du statut de l’EIRL génère des frais et des contraintes qu’il ne faut pas négliger d’étudier.

L’EIRL doit ouvrir au moins un compte bancaire dédié exclusivement à son activité. Ce compte sera, le plus souvent qualifié de compte « professionnel » par la banque et fera l’objet de frais de tenue de compte.

L’EIRL au régime fiscal du réel doit tenir une comptabilité commerciale, même si son activité relève des bénéfices non commerciaux (BNC). Ainsi, l’entrepreneur profession libérale, le plus souvent habitué à tenir une comptabilité « dépenses/recettes » (comptabilité de trésorerie) devra se former aux particularités de la comptabilité d’engagement s’il souhaite adopter ce statut.

L’EIRL doit publier ses comptes annuels auprès du registre où il a déposé sa déclaration d’affectation. Ce dépôt, tout comme la déclaration d’affectation, entraîne des frais.

Rien n’empêche, en parallèle de la procédure de surendettement des particuliers, l’ouverture d’une procédure collective (mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, redressement / liquidation judiciaire) destinée à apurer le passif professionnel. Dans ce cas, il appartient à l’entrepreneur d’en informer la commission de surendettement.

L’adoption du statut de l’EIRL par un entrepreneur individuel déjà en activité ne permet pas toujours de faire échapper le patrimoine personnel aux poursuites des créanciers professionnels.
En effet, la déclaration d’affectation est opposable aux créanciers professionnels dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt si la procédure d’information des créanciers est respectée.
Les créanciers antérieurs à la transformation en EIRL peuvent former une opposition qui, si elle est accueillie par le tribunal, rendra la déclaration d’affectation non opposable à ces créanciers qui pourront alors appréhender le patrimoine privé de l’entrepreneur (art. L526-12 du code de commerce).

Il est opportun de se faire utilement conseiller afin d’éviter les écueils qui réduiraient à néant les effets de ce changement de statut juridique.

 

Il existe donc deux types d’EIRL :

  • Les « vrais » qui sont des entrepreneurs qui estiment qu’il s’agit pour eux du statut le plus adapté à leur situation.
  • Les EIRL « de circonstances », dont le seul objectif est de devenir éligible à la procédure de surendettement des particuliers.

À ce jour, aucun organisme public (ni la Banque de France, ni l’INSEE) n’est en mesure d’appréhender ce phénomène, et de fournir des éléments statistiques sur les raisons qui ont présidé au choix de ce statut.

 

Sur la procédure de surendettement : voir le site de la Banque de France
Sur l’EIRL : voir le site de l’APCE