Surendetté(e)s, qui êtes-vous ?

Tous les 3 ans, la Banque de France réalise une enquête typologique sur le surendettement.
L’édition 2010 qui vient d’être publiée dresse le profil des personnes surendettées et l’évolution de celui-ci par rapport aux enquêtes précédentes.
Ce document met en évidence des tendances qui s’affirment sur la période 2001-2010.

Il s’agit d’une étude nationale élaborée sur la base des dossiers déclarés recevables par les commissions de surendettement au cours des 10 premiers mois de l’année 2010 (soit près de 180.000 dossiers concernant près de 225.000 personnes).
L’étude a tenté de rapprocher certaines des caractéristiques des surendettés avec les données relatives à la population vivant en France publiées par l’INSEE.

Le profil des surendettés

En 2010, 65% des surendettés vivaient seuls et sans personnes à charge alors qu’en 2001 58% des surendettés étaient dans cette situation. On note également une surreprésentation des femmes.
Les surendettés sont de plus en plus âgés : près de 25% d’entre eux ont plus de 55 ans et 8% ont plus de 65 ans. La proportion des surendettés de plus de 55 ans a doublé depuis 2001.

Parmi les surendettés, la part des locataires s’élève à 80% (en croissance depuis 2001) alors que la part des propriétaires a diminué de moitié sur la même période pour s’établir en 2010 à 8%.
L’étude rappelle que, dans la population française, près de 58% des habitants sont propriétaires.

Les catégories socioprofessionnelles les plus représentées sont les employés (34%), les personnes sans activité professionnelle (27,5%) et les ouvriers (24%).

Les ressources des surendettés

En 2010, 83% d’entre eux disposent de moins de 2.000 € par mois, plus d’un surendetté sur deux (54%) doit vivre avec des ressources inférieures ou égales au SMIC et 43% d’entre eux disposent de revenus compris entre le RSA (466 € pour une personne seule) et le SMIC (moins de 1.100 € par mois quand on a la chance de travailler à temps complet).

Les revenus des surendettés sont constitués à 56% de revenus d’activité (contre 80% pour la population globale), à 18% de pensions (contre 7,5%) et de minima sociaux pour 8% (contre 1% pour la population française).
L’écart est encore plus important pour les prestations liées à la famille ou au logement qui représentent 18% des ressources des surendettés mais 4% des ressources de la population française.

La capacité de remboursement des surendettés ne cesse de s’amenuiser.
La part des personnes disposant d’une capacité de remboursement négative a été multipliée par deux depuis 2001 ; cette situation concerne en 2010 56% des dossiers.

L’endettement des surendettés

L’endettement s’élève en moyenne à 34.500 € par dossier et est composé d’environ 10 dettes différentes. Les dettes bancaires (inscrites dans 95% des dossiers) représentent 83% du total (soit un peu plus de 30.000 € par dossier).

On trouve dans cet endettement
—> Des prêts immobiliers dans 7% des dossiers pour un endettement moyen qui approche 90.000 €. Dans les deux tiers des cas, le dépôt du dossier de surendettement intervient dans les 5 années qui suivent l’octroi de ces prêts.
—> Des crédits renouvelables dans 82% des dossiers pour montant moyen de 17.000 €.
—> Des prêts personnels dans près de la moitié des dossiers pour environ 14.500 €.
—> Des découverts en compte et dépassements dans près de 60% des dossiers pour une dette moyenne de 1.300 €.
—> Des dettes de charges courantes (logement, énergie, transports, assurances,…) pour plus de  4.000 € par dossier.

Le patrimoine des surendettés

Moins de 9% des personnes surendettées sont propriétaires d’un bien immobilier.
Un surendetté sur deux dispose d’une épargne qui, dans la majeure partie des cas, est inférieure ou égale à 1.500 €.

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Il serait facile, pour les partisans d’un fichier positif (recensant tous les encours de crédit) d’en déduire que, si il n’y avait pas de dettes bancaires… il n’y aurait pas de surendettement.
Ne s’agit-il pas d’un constat un peu rapide ?

D’abord parce que rien ne prouve que les 225.000 personnes dont le dossier a été analysé à travers cette étude ont emprunté alors qu’elles étaient déjà en situation de surendettement.

On peut penser aussi que, lors de l’octroi de chaque nouveau financement, le prêteur a interrogé le FICP afin de vérifier qu’il n’existait pas d’incidents de paiement.

Il est évident qu’avec un revenu moyen aussi faible dans l’absolu (et même si le revenu médian de 2008 s’établissait en France à environ 1.500 € par mois), le moindre accident de la vie (perte d’emploi, maladie,…) peut transformer un crédit supportable… en un crédit impayé.

Ensuite parce que les encours de crédits présents dans ces dossiers sont pour leur immense majorité des crédits de trésorerie (prêts personnels, comptes renouvelables et découverts bancaires) qui ont probablement été utilisés pour faire face aux besoins de la vie courante et au paiement de factures brûlantes.
On comprend aisément que la priorité des surendettés soit de payer le loyer pour éviter l’expulsion et d’honorer les factures d’énergie (électricité, gaz, fioul,…).

Enfin parce que, si ces personnes n’ont plus accès à des crédits de trésorerie du fait de l’instauration d’un fichier positif qui les exclut du crédit, leur endettement sera certes moins important mais il sera alors uniquement composé de dettes relatives à leur logement (loyers, énergie,…) ou à leur vie courante (assurances, transports, cantine scolaire, frais de garde des enfants,…).

Elles seront ainsi plus vulnérables car rapidement menacées d’expulsion locative par des bailleurs (sociaux ou privés) qui ne voudront/pourront pas laisser la dette atteindre des dizaines de milliers d’euros.

Il faudra par ailleurs que la collectivité (je devrais dire les collectivités locales) renforce les aides qu’elle accorde aux personnes en difficultés car il n’est pas pensable de laisser des familles sans abri, sans électricité et sans chauffage ; il n’est pas imaginable non plus de priver les enfants de déjeuner du fait que leurs parents n’ont pas payé la facture de la cantine scolaire.

Il est probablement évident, quand on prend connaissance de l’étude dressée par la Banque de France, de penser que couper le robinet du crédit serait le moyen d’éradiquer le surendettement.

Il est vrai que cette proposition aurait le mérite de déplacer la dette qui, à terme, ne serait plus supportée par les banques mais qui échoirait aux bailleurs, aux collectivités locales et aux associations de bienfaisance.

En effet, tant qu’il y aura dans notre pays des personnes dont les revenus ne suffisent pas à financer le minimum vital (logement, nourriture, énergie, santé, transports,…), il y aura nécessairement une dette ; reste à savoir quels créanciers doivent/peuvent la porter.

Je n’évoquerai pas non plus le formidable outil de marketing que constituerait pour la profession bancaire (au sens large du terme, assureurs compris) un fichier recensant tous les financements accordés à la population vivant dans notre pays.

Peut-on raisonnablement penser réduire (voire éliminer) le surendettement en prenant le risque de générer chaque année l’expulsion locative de plus de 200.000 personnes ?

Est-ce là la seule solution proposée à cette population qui croît en nombre, qui vieillit et dont les ressources (ainsi que la capacité de remboursement) ne cessent de se réduire depuis la mise en place de la loi sur le surendettement en 1990 ?

Un jour viendra, hélas, où le fait d’écrire ou de prononcer l’expression solidarité nationale sera puni bien plus sévèrement… que toute atteinte à la sûreté de l’État.

L’étude de la Banque de France

10 réflexions sur « Surendetté(e)s, qui êtes-vous ? »

  1. Bonjour,

    Je n’évoquerai pas non plus le formidable outil de marketing que constituerait pour la profession bancaire (au sens large du terme, assureurs compris) un fichier recensant tous les financements accordés à la population vivant dans notre pays.

    C’est à cause de cette crainte que les Etablissements à forte part de marché s’opposent avec force à la mise en place de ce fichier positif.

    Perso je pense que, sans être une panacée, il serait cependant utile car ajouter de l’endettement à un précédent endettement déjà excessif ne peut pas être une solution.

    Cette consultation pallierait les « oublis » des emprunteurs de déclarer leurs éventuels crédits conso (souvent renouvelables) souscrits à droite et à gauche et dont la somme peut être significative tant en en-cours qu’en charges.

    Ordre logique des filtres à mon sens :

    + Fichier négatif
    => oui = refus
    => non = voir fichier positif

    + Fichier positif
    => Endettement (charges) hors normes = refus
    => Endettement (charges) dans les normes = analyse (scoring) pour décision.

    Maintenant, partant d’une situation « saine », il arrive effectivement que du fait d’accidents de la vie, des emprunteurs se retrouvent dans l’incapacité d’honorer leurs échéances.

    Ces accidents de la vie se traduisent part des pertes de revenus (chômage par exemple) ou/et des accroissements de charges.

    Il existe bien des procédures pour tenter de régler ces cas difficiles mais peut-être seraient elles à améliorer ?

    Mais attention, il y a les surrendettés « passifs » et les autres.

    Je peux vous raconter une anecdote qui remonte à l’époque du franc et qui m’avait amené à recevoir exceptionnellement un couple de fonctionnaires un samedi matin (c’est pour cela que je m’en souviens)

    Ces emprunteurs gagnaient très bien leur vie mais, dépensaient deux fois plus qu’ils ne gagnaient.
    De mémoire leur endettement était de l’ordre de 400.000 FRF alors que le commissaire priseur avait évalué leur actif net à…….30.000 FRF

    Les procédures de faillite civile n’existaient pas à l’époque, mais perso, autant je trouve normal que dans le surrendettement « passif » ce soit une solution, autant je trouve anormal que de tels « flambeurs » profitent du système.

    Cdt

  2. Nous avons tous connu des flambeurs lors de l’entrée en application de la loi sur le surendettement il y a 20 ans. Ceux-ci ont été souvent évincés de la procédure.

    En 2010, compte tenu des revenus recensés par la BdF, il ne s’agit pas de flambeurs… mais de miséreux.

    Ces gens n’ont pas assez de revenus pour survivre ; ce sont donc les banques qui financent une grande partie du delta ressources / besoins vitaux.
    Comment peut-on survivre avec moins de 1.100 € par mois ?

    Je comprends que les banques souhaitent se désengager… mais qui va supporter ce delta si ces personnes sont écartées du crédit ?

    Les bailleurs privés (alors que beaucoup ne peut pas supporter financièrement plus de 2 mois de loyer de retard) ? Les collectivités locales (qui seront obligées d’augmenter les impôts locaux) ? Les associations caritatives ?

    Le fichier positif ne répond pas à toutes ces questions.

  3. Le fichier positif ne répond pas à toutes ces questions.

    Je suis d’accord avec toi

    Perso je pense que, sans être une panacée, il serait cependant utile car ajouter de l’endettement à un précédent endettement déjà excessif ne peut pas être une solution.

    Mais ce serait un plus
    .

    mais qui va supporter ce delta si ces personnes sont écartées du crédit ?

    Des solutions restent à trouver.

    Il existe bien des procédures pour tenter de régler ces cas difficiles mais peut-être seraient elles à améliorer ?

    Concernant la perte de revenus (chômage) il est évident que le meilleur commencement de remède serait un retour rapide à une forte croissance.
    Une meilleure répartition des richesses avec des politiques salariales, fiscales et sociales adaptées venant l’accompagner.
    Peut-être que l’assurance chômage devrait être généralisée y compris sur le prêts conso ?

    Côté « accroissement des charges » il faut distinguer les variations « subies » (loyer – EDF – Gaz…..) des variations « initiées » (nouveaux crédits – abonnement Canal Plus/Sat – mobiles – internet…. et autres)

    Pour les premières citées hormis des « tarifs sociaux » je ne vois pas quoi faire ?
    Pour les secondes, désolé, on retombe sur les « flambeurs » ?

    Cdt

  4. Aristide, je suis d’accord avec vous par rapport a votre derniere phrase (au reste aussi d’ailleurs) sur laquelle je voulais revenir. Il semble de nos jour que l’internet; le mobile, les consoles videos pour els enfants ne soient plus considérées du luxe mais « necessaire pour éviter l’isolement social ». En travaillant avec des gens en souffrance financiere et meme certaines associations, on découvre que arreter certains de ces abonnements pendant 1 an le temps d’apurer ses comptes est « hors cadre ».

    On vous répond meme « l’etat est lui meme en déficit, comment empecher ces gens de vivre normalement sous pretexte d’etre en deficit ? L’etat n’a qu’a emprunter pour aider financierement ces gens ».

    On marche sur la tete…Il n’y a qu’une seule solution : arreter de faire des stats :confus:

  5. Oui, je connais l’argument.

    Mais quand il y a pénurie, il faut gérer la pénurie.

    Il est évident que les besoins physiologiques priment les autres (Cf pyramide de Maslow).
    Est-ll préférable que les enfants mangent – à peu près – à leur faim et aient un toît ou puissent, via les technologies modernes « rester dans le coup » ?

    Evidemment que les deux seraient l’idéal mais quand ce n’est pas possible, quels besoins doivent être satisfaits en priorité ?

    Concernant internet il est des collectivités territoriales qui, moyennant un abonnement à coût modéré, mettent à disposition des ateliers bien équipés.
    Pour ces familles, plutôt que d’acheter ces équipements et de payer les abonnement qui vont avec, ce pourrait être une solution – ne serait-ce que transitoire – de contournement.

    C’est moins pratique, moins souple, soit. Mais « à la guerre comme à la guerre ! »

    Maintenant on ne va pas me faire croire que – dans ces situations de pénurie – un mobile aux deux conjoints et à chacun des enfants soit indispensable pas plus que canal Plus et Canal Satellite.

    NB) – Dommage que l’enquête citée par Vanile n’indique pas le pourcentage de surrendettés qui ont un abonnement à Canal PLus, Satellite et autres chaînes et revues diverses et variées.
    Si la tendance n’a pas changé, de par mes expériences antérieures, je peux vous dire qu’il est significatif.

    Cdt

  6. je suis entierement d’accord avec vous. Malheureusement le credit conso et revolving est utilisé par nombre de menages comme une extension de porte monnaie plutot que comme un credit.

    Se voir opposer ces arguments (d’isolement social, etc..) m’a conduit a arreter de travailler dans le social. Il n’y a pas vraiment de solutions, car ceux qui, lors de conditions financieres difficiles, font des coupes franches dans leur budget (comme vous le suggerez), ne serait-ce que temporairment pour apurer les choses, évitent le surendetement et n’apparaissent pas dans les statistiques du coup. Et pourtant ce sont eux qui ont tout compris.

    Vous avez peut etre comme Buffeto et moi, suivi l’envoye special sur les faibles salaires qui n’arrivent pas a joindre les deux bouts. On y a entendu des plaintes, des plaintes mais pas beaucoup de gens qui prenaient les decisions qui s’imposent pour redresser la barre.

  7. Bonjour,

    Non, je n’ai pas suivi cette émission mais j’avais eu l’occasion d’en voir de précédentes.

    Je ne pense pas qu’il faille s’arrêter de « faire du social ».

    Perso j’en ai toujours fait (associations) et ceci même dans mon boulot.

    Je ne compte pas le nombre de « mobylettes » que j’ai financées pour permettre aux intéressés d’aller à leur travail.
    Je me souviens aussi d’avoir financé une chèvre à un garde barrière pour qu’il puisse mettre un peu de lait dans son café (= beurre dans épinards)
    En fait c’était du mico crédit avant l’heure.

    Mais attention
    + Il y a les « méritants » (surrendettés passifs mais sérieux) où cela ne pose aucun problème
    + Il y a les « coupables » (surrendetteés actifs) mais qui comprennent ce qu’on leur explique et qui suivent les préconisations qu’on leur suggère (suppression de tous les suprflus)
    => OK, on les aide
    + Puis il y a les autres qui ne veulent rien comprendre ni entendre; désolé mais là c’est tant pis pour eux !

    « Aide toi…….le ciel t’aidera !!! »

    Cdt

  8. peut-etre avec le temps, la sagesse aidant, j’arriverai a passer outre et retourner faire du social…

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