Dysfonctionnement informatique à la banque : cas de force majeure

Si il y a une situation dont on parle très souvent mais qui est difficilement reconnue par les juridictions, c’est bien la force majeure.

La force majeure constitue en droit une cause d’exonération de responsabilité.

L’article 1148 du Code civil prévoit, en matière de responsabilité contractuelle : « Il n’y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».

La définition de la force majeure est de nature jurisprudentielle.
Pour constituer un cas de force majeure, un événement doit être irrésistible, imprévisible et extérieur au débiteur.

Dans la situation traitée par la décision de la Cour de cassation du 17 février 2010 (3ème chambre civile – pourvoi n° 08-20943), la victime de la force majeure est le client d’une banque.

Une société, titulaire d’un bail commercial, qui avait été défaillante dans le paiement de ses loyers, avait obtenu en justice des délais de paiement pour s’acquitter de son arriéré de loyers au moyen de 18 échéances. Le non respect d’une seule des échéances comprises dans ce moratoire entraînait la résiliation du bail de plein droit.

La société avait donc donné à ses deux banques un ordre de virement permanent qui devait être exécuté tous les 25 du mois. Cet ordre de virement fut correctement exécuté durant 17 mois… jusqu’à ce qu’un incident informatique intervenu dans l’une des banques empêchât l’émission du dernier virement correspondant à l’échéance de septembre 2007.

Le bailleur, souhaitant alors mettre en œuvre la clause résolutoire prévue au moratoire, fit signifier au locataire un commandement de quitter les lieux et fit établir un procès-verbal de tentative d’expulsion.

La question posée aux magistrats était donc de savoir si cet incident de paiement constituait un cas de force majeure, permettant ainsi au locataire d’éviter l’application de la clause résolutoire.

Les magistrats ont considéré que l’incident informatique survenu au sein de la banque était la seule cause de l’absence de règlement de la dernière mensualité.

Ils ont en effet estimé que cet événement était

imprévisible du fait que l’ordre de virement avait été correctement exécuté durant 17 mois
irrésistible car le locataire avait été empêché d’effectuer un règlement par un autre moyen du fait que l’incident était intervenu en fin de semaine durant la période estivale et que ledit locataire n’en avait été informé que tardivement
extérieur au débiteur puisque c’est le système informatique de la banque qui avait été défaillant.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 4 septembre 2008 avait admis la force majeure mais le bailleur s’était pourvu en cassation.

On aura bien noté que la force majeure s’apprécie au regard des obligations d’une personne donnée (ici, le titulaire du bail commercial).

Dans ce contexte, la banque dans laquelle a sévi le dysfonctionnement informatique ne pourrait invoquer la force majeure pour s’exonérer de son obligation d’exécuter les ordres de virement émis par son client car les trois conditions (événement imprévisible, irrésistible et extérieur au débiteur) ne sont pas réunies à l’égard de la banque.